Etude de Catherine Méneux Maitre de conférence en histoire de l’art à l’Université Paris Panthéon Sorbonne
Le théâtre « Tivoli » à Clisson a été construit au début du XXe siècle à l’initiative de Marguerite Antoinette Lemot (24 mai 1848, Gétigné), amatrice de chant lyrique et elle-même chanteuse à ses heures. Il s’impose non seulement comme le dernier bâtiment d’importance construit dans le mouvement de reconstruction de Clisson selon le modèle rustique toscan mais il s’inscrit également dans la philanthropie de l’époque en faveur d’une culture accessible à un public élargi.
Petite fille du sculpteur François Frédéric Lemot (1772-1827) et fille de Barthelemy Frédéric Olivier Lemot, Marguerite Antoinette Lemot est née dans une famille cultivée et influente, tant à Paris qu’à Clisson. Son père est conseiller général de Loire-Inférieure de 1852 à 1880 et maire de Clisson de 1851 à 1865 puis de 1878 à 1881. Il s’est marié à Augustine Elisabeth Goimbault le 1er juillet 1847 à Paris et, de cette union, sont nés deux enfants : Marguerite (1848-1925) et Olivier Lemot (1850-1919).
D’après Pierre Bonnet, Barthelemy Frédéric Olivier Lemot montre son attachement au régime impérial de Napoléon III ; lors de son deuxième mandat de maire sous la IIIe République, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur par décret du 12 juillet 1880. De son père célèbre, Barthelemy Frédéric Olivier Lemot a hérité de la propriété de la Garenne, aménagée à partir de 1806. Son attachement à l'œuvre de son père l'encourage à poursuivre le chantier de la Garenne : on lui doit l'achèvement de la villa, le belvédère, l'escalier monumental, la "galerie des illustres", la colonnade en pierre fermant la cour, la glacière,…
En tant que Maire, il encourage le choix du style italianisant pour la construction de plusieurs édifices publics : la salle d'asile de l’hôpital Saint-Antoine (1853-1854), destinée à accueillir et instruire les enfants des familles défavorisées, l’école publique de garçons (1854), le presbytère Notre-Dame. Il fait reconstruire ou restaurer à l'italienne des bâtiments dont il était propriétaire : le moulin de Plessard à Cugand (1851-1854), le moulin de Persimon (1859-1863), la métairie du Pas Nantais à Gétigné et la maison rue Albert Forget à Clisson. .
Marguerite Lemot vit très probablement entre Paris et Gétigné-Clisson dans sa jeunesse, côtoyant les milieux cultivés de la capitale et les notables de la région nantaise. Sa destinée n’est pas classique puisqu’elle se marie tardivement à l’âge de 33 ans. En effet, elle épouse Georges Elie Pradier à Paris le 21 décembre 1881. Fils d’un capitaine de vaisseau, ce dernier est lieutenant de vaisseau, et demeure à Brest. Selon l’acte de mariage, Marguerite Lemot habite au 18 rue du Cherche-Midi à Paris avec son père, âgé de 70 ans ; sa mère, âgée de 57 ans, réside alors à Clisson ; un contrat de mariage est établi devant Me Gatines, notaire à Paris le 20 décembre 1881. Marguerite Lemot voit probablement très peu son époux, si l’on considère les états de service de ce dernier. Lorsque Pradier est promu officier de la Légion d’honneur le 29 juin 1886, il est Commandant supérieur des Etablissements français du Golfe de Guinée et réside à Libreville au Gabon. Après la mort de son père à Gétigné en 1883 ou 1884, Marguerite Lemot partage probablement sa vie entre Paris et Gétigné-Clisson où sa mère et son frère résident. A Paris, elle côtoie peut-être son beau-frère Emmanuel Pradier, qui est un journaliste actif et reconnu, doublé d’un romancier à succès et d’un voyageur.
Le mariage de Marguerite dure seize ans et la séparation de corps et de biens avec son époux est prononcée par un acte du 22 janvier 1897. Par un jugement du Tribunal civil de première instance de la Seine en date du 27 janvier 1903, le mariage est ensuite dissous. (le divorce avait été rétabli sous la IIIème République avec la loi du 27 juillet 1884). Après le jugement prononçant la séparation de corps et de biens entre les époux, Marguerite Lemot Pradier acquiert les terrains de l’ancien couvent des Cordeliers de Pauline Frédérique Elisa Valentin veuve de Ludovic Jean Baptiste Fayau, fille de Frédéric Valentin et petite-fille de Jacques Charles Valentin, ami de François Frédéric Lemot. Elle procède à des aménagements dans la maison des Cordeliers, pour s’y installer. Elle vivra désormais à Clisson, non loin de la Garenne, auréolée par le souvenir de son grand-père, le baron Lemot, et celui de son père.